Extrait
II. Considération simples/simples considérations
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Le peintre.
Que cherche-t-il à découvrir par la tonalité indéfinissable de son tableau ?
La clarté ?
Comment découvrir la clarté ?
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Tableau à inventer sans cesse.
Son existence est procurée par son invention.
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Tableau improbable.
L’improbable, c’est-à-dire ce qui est.
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Haute et improbable clarté.
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L’improbable.
Point de rencontre entre possibilité et impossibilité.
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La possibilité.
Presque plus que la réalité.
Ce serait peindre à quoi s’ajouterait l’acte et le pouvoir de peindre.
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Le tableau en puissance est aussi la puissance.
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Personne ne peut peindre le tableau à sa place.
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Peindre.
Oublier, si faire se peut, qu’on vient de peindre.
Peindre encore.
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Ample est le travail du peintre.
Ample jusqu’à se croire interminable.
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Le tableau à peindre.
À la fois le même et le seul qu’il ne peindra jamais.
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Ce tableau.
Le même et peut-être aussi le tableau étranger.
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Le besoin de peindre peut être exprimé comme sa supposition.
Si du moins on considère que la peinture commence avec elle-même.
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Peindre.
Est-ce une solution ?
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Peindre.
Rien à perdre, sinon un corps.
Peindre à corps perdu.
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Pressé de peindre le tableau suivant.
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Tableau.
Miroir où nul ne se regarde.
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Je ne vois pas de mélancolie dans ces toiles.
De la mélancolie je ne vois pas les signes.
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Certitude incertaine d’apercevoir quelque chose.
Quelque chose d’incertain sur la toile.
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À la surface notre regard erre.
(Wittgenstein, Remarks on colour)
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Le couleur ralentit le regard.
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Des mots apparaissent sur la toile.
Et dans la couleur la violence du sens.
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Entre.
La peinture et la peinture.
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N’est-ce pas à cause de la couleur
— par exemple le vert —
qu’il y a des arbres ?
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Juillet 1989 – juillet 1990
Revu en mai 2013
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Paru dans : Catalogue Zémy Zaugg, Personne, Le Consortium, Dijon, Galerie Anne de Villepoix, Paris, 1990