Jean-Marie Berholin, Sans titre, 1985
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« La chose est l’idole d’une pensée que hante un souci de fabrication manuelle. » (Le Roy)
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Il fait :
des « choses ».
Il le dit.
Il les montre.
Il s’agit de le croire
(ne pas croire plus,
ne pas croire moins).
*
Dire que l’on fait des « choses »
est nécessaire.
Ce devrait être suffisant.
Pourquoi certains objets
(les siens par exemple)
sont-ils des « choses » ?
Parce qu’ils sont uniques.
« Choses » uniques :
égales.
*
Cette « chose »
(celle que vous voulez)
ne signifie pas davantage
(qu’une autre).
Chacune est une réalité.
Il s’agit donc bien
de regarder.
Bien regarder ces réalités
(en face).
*
Je ne sais pas
s’il pense souvent
à ses « choses » ?
Les pense-t-il par images ?
Au préalable,
les imagine-t-il ?
Lorsqu’il fabrique
(mais fabrique-t-il ?)
il pense peut-être
à autre chose ? [1]
À d’autres choses ?
*
Comment dire
qu’à proportion de leur tenue
(ces « choses » montent droites,
et tiennent)
en rêve je les vois tomber ?
Comment ne pas le dire ?
*
Je les vois tomber.
Terre
(terre que de fait elles ne sont pas)
rendue à la terre.
Le dire,
ne pas le dire,
c’est égal.
Elles ne tombent pas.
*
« La chose est l’idole d’une pensée… »
En quelque sorte l’erreur.
Idolas tribus : due à la nature humaine.
Idola specus : due à la nature de l’individu.
Comme on voudra.
La totalité de l’œuvre
alors
donnée
comme errata ?
*
Errare,
plutôt.
Errer, errance.
Et, pour l’aspect géologique :
erratique.
Erratiques sont les blocs.
L’avantage d’un bloc
(arrondi, anguleux)
c’est que toujours
(quoi qu’il arrive)
il subsiste
(après le recul des glaciers).
[1] M. Perrier à Delacroix : « … ces choses que vous faites en vous jouant et en pensant à autre chose ». Eugène Delacroix, Journal, 12 avril 1954.
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Paru dans : revue Contre toute attente n° 7 (À prendre ou à laisser), automne 1982